Information du : 19/10/2023

Lune froide

Nous aurons l'immense plaisir de recevoir Patrick Bouchitey du 1er au 5 décembre qui, vingt-deux ans après sa réalisation, viendra nous présenter son premier long métrage, le cultissime Lune froide. Une tournée en forme de pèlerinage, l'acteur-réalisateur ayant tourné du côté de Lorient et d'Etel.

Dédé (Patrick Bouchitey) et Simon (Jean-François Stévenin) errent du côté des ports et des plages de Lorient. Dédé aime le rock (dont ses chanson en yaourt « Les ptites bites » et « Roulez les gamelles »), Simon préfère le silence. Tous deux aiment l'alcool, la glande et les conneries. Dédé prend les choses à la rigolade mais Simon semble être profondément torturé par cette vie nonsensique qu'ils mènent tous deux. A moins que ce ne soit le souvenir de cette jeune femme qui le taraude encore. Grands adolescents inadaptés passant leurs temps à faire les quatre cent coups, ils ont un jour piqué un cadavre dans un hôpital. Pour s'amuser, pour défier la camarde. Mais lorsqu'ils découvrent que ce cadavre est celui d'une belle jeune femme, Dédé et Simon sont profondément troublés par cette rencontre et c'est ce petit morceau de vie venu d'une morte qui hante encore les pensées de Simon longtemps après…

Bouchitey réalise son premier long métrage comme une suite et un complément à un court métrage, déjà intitulé Lune Froide, qu'il a réalisé en 1988. Il ajoute à cette adaptation d'une nouvelle des Contes de la folie ordinaire de Charles Bukowski, un autre texte du romancier pour inventer une suite à l'histoire de Dédé et Simon. Le film, produit par Luc Besson, obtient le César de la meilleure première œuvre et marque les esprits par une scène de nécrophilie restée célèbre. Mais ne s'arrêter qu'à cette scène ne serait pas rendre justice à un film profondément troublant et attachant. Il y a déjà ce beau duo d'acteur. Bouchitey s'en donne à cœur joie dans son rôle d'histrion alcoolisé, grimaçant, lançant des blagues éculées et triviales. Un personnage exaspérant qu'il parvient malgré tout à rendre attachant. Stévenin lui se glisse complètement dans la peau de Simon, être renfermé et taciturne où l'on devine bouillonner des idées noires mais aussi des éclats de tendresse déçue. Les deux personnages sont merveilleusement servis par des dialogues aussi triviaux que graves signés Jackie Berroyer.

Lors de cette longue dérive alcoolique, soulignée par l'aspect crasseux du grain du noir et blanc, on ne voit que des grands enfants un peu stupides, qui errent et se cognent au cul-de-sac de leurs vies. Un voyage dans les bars miteux, les zones portuaires déliquescentes, les familles délabrées… voyage qui se révèle assez éprouvant, si ce n'était la douceur du regard que pose Bouchitey sur ce monde de déclassés. C'est le segment Lune froide, inséré comme un flashback, qui vient donner de l'épaisseur à un duo que l'on croyait seulement vachard et dont on découvre la mélancolie dépressive. Dans cette partie, la photographie se transforme en un superbe noir et blanc, tissant un lien profond entre les plages de sables ceintes par la mer et la peau de la jeune femme morte dont Dédé et Simon tombent amoureux. Pour eux, c'est une sirène et la façon dont Bouchitey la cadre et la filme ne fait que donner raison à leur fantasme. Le grain de sa peau est comme du sable, les contours de son corps dénudés comme un reflet des dunes. A la sortie de ce passage aussi beau que perturbant, on est au côté des personnages, on les comprend, on a envie de les serrer dans nos bras. Mais comme pour nous dire que c'est trop tard, trop tard pour eux, trop tard pour leurs vies de chiens errants, on ne les retrouve pas là où le flashback les avait laissé. Dédé et Simon sont comme condamnés à vivre au bord du monde, loin de nos yeux, toujours incompris, avec seulement comme échappatoire la vision de cette sirène un jour surgie des flots. Lune froide sous ses dehors de comédie macabre et provocante est un beau poème désespéré sur la vie.

"Cet OVNI nous revient avec sa liberté toujours grandiose et rock'n'roll, mais aussi des airs de classique". Télérama

"Son lyrisme trash et sa prose de comptoir font le lien entre le réalisme poétique des années 30 dans un geste provocateur, souvent plus fin qu'il n'y paraît". L'Obs

"Un tandem de loosers attachants, des clochards célestes prêts à tout pour un moment de tendresse partagée" Paris Match

"Le film n'a rien perdu de sa force. poésie brute et surréaliste" Culturopoing

"En phase avec les expériences cassavétiennes de Stévenin, un prolongement sur un mode grinçant et désabusé , style Reiser, des buddy movies des seventies". L'Humanité

"Lune froide est bien ce qu’on attendait : il est provocant, sulfureux, étrange, fou, un film de pleine lune." Le Journal du dimanche

"C’est troublant, beau, d’une surprenante pureté. Lune froide n’est pas un film parfait. C’est, mieux que cela, un coup au cœur qui ne s'efface pas. " Le Monde

"Coup d’essai, coup de maître, on est soufflés. Sciés ! " Revus et Corrigés

LUNE FROIDE

Un film de Patrick Bouchitey
avec Patrick Bouchitey et Jean-François Stévenin
France – 1991 – 1h28

L'INVITÉ :
PATRICK BOUCHITEY

On connaît la verve comique de Patrick Bouchitey, de son rôle de prêtre peu orthodoxe dans La vie est un long fleuve tranquille à ses doublages télévisuels de la Vie Privée des animaux.. S’il excelle dans ce registre, l’acteur n’est pas avare en rôle plus sombres, notamment dans La Meilleure Façon de marcher de Claude Miller ou Quand j’avais cinq ans, je m’ai tué d’Howard Buten. Ce versant Hyde, on le retrouve dans ses réalisations : Lune froide, son premier court puis long métrage en 1991 et le thriller Imposture en 2005.

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