Information du : 25/01/2020

L’État sauvage

Après un étonnant premier film remarqué à la Semaine de la critique à Cannes ("Nos héros sont morts ce soir"), David Perrault est de retour avec une oeuvre toute aussi surprenante et ambitieuse, "L'Etat sauvage", western au féminin mêlant allégrement les genres et les ambiances. Il sera présent du 4 au 6 mars dans trois salles du réseau.

Etats-Unis, 1861, la guerre de Sécession fait rage. Une famille de colons français décide de fuir le Missouri où ils vivent depuis 20 ans. Edmond, Madeleine et leurs trois filles doivent traverser tout le pays pour prendre le premier bateau qui les ramènera en France. Victor, ancien mercenaire au comportement mystérieux, est chargé de veiller à la sécurité du voyage....

"L'envie de base était de mettre en scène un groupe de femmes dans un univers clos puis d'abattre soudain ces cloisons, de les propulser vers de grands espaces... Une façon de les voir fuir un modèle qui les corsète dans un ample mouvement d'émancipation. Mon imagination est avant tout musicale et visuelle. Quand je commence à travailler, j’accumule beaucoup de sons, d’images. Pour L’État sauvage, je suis tombé sur une photo datant du XIXème siècle montrant une femme au bord d’un précipice dans le parc Yosemite, avec un horizon immense s’étendant devant elle. L’image exprime une sensation de grande liberté, on a l’impression que le monde appartient à cette femme. Et en même temps, il suffirait d’un pas de trop en avant pour qu’elle tombe… Tout le film s'est déployé autour de ce sentiment paradoxal.(...)"

" (...) A l’origine, il y avait aussi le rêve depuis toujours de faire un western. Pendant l'écriture et la préparation du film, je me suis interdit d'en revoir. Je voulais, de façon un peu candide, comme repartir à zéro, tenter le moins possible de reproduire les passages obligés du genre, me réapproprier le western avec ma sensibilité, mes préoccupations actuelles (...)"

"(...) Souvent le western raconte le passage de l’état sauvage à la civilisation. Là, c’est le mouvement inverse. Et ce n’est pas le rêve de l’Amérique mais le rêve du retour en Europe qui habite les personnages. Le film, par sa facture fantastique et gothique, est aussi très européen. Quand la diligence avance dans le brouillard au début, on est davantage du côté de Mario Bava que d’un western américain. Le cinéma italien d'ailleurs, de Visconti à Dario Argento, m’a beaucoup inspiré dans son rapport sensuel aux costumes, à la couleur, à la lumière. Le cinéma américain est plus sec, plus droit, plus strictement narratif. Ici, la démarche est plus sensorielle, le récit fait des arabesques, on passe par différentes humeurs. (...)"

"(...) La peinture italienne baroque joue avec les codes classiques, les déforme, dans des espaces troubles et fragmentés. C'est très coloré, symboliste, toujours en mouvement et hyper expressif. Cela me parle car ce n'est pas une veine naturaliste. En revanche, je tiens toujours à ce que cette expressivité s'inscrive dans l'intimité de mes personnages. Leurs émotions se traduisent moins par le dialogue que par des motifs visuels. C'est leur monde intérieur qui déborde sur l'écran, ce n'est pas gratuit. "

- David Perrault, extraits du dossier de presse

"Le western à la française a toujours été le cousin mal à l'aise de son homologue italien, étriqué dans des vêtements mal taillés pour lui, gauche dans son éxécution, maladroit dans ses velléités parodiques (...) David Perrault conjure des décennies de malédiction et plonge tête la première dans le grand bain de l'Ouest. (...) Ici, on ne joue pas aux cowboys et aux Indiens comme cela a pu être le cas dans moults précédentes tentatives françaises. Le récit s'incarne, vit, souffre, reprend son souffle. (...) Sur le papier, il faudrait soutenir envers et contre toute objectivité ce genre de projet atypique pour leur audace et leur courage. Dans les faits L'Etat sauvage se défend très bien tout seul et ressuscite l'espoir d'un cinéma de genre français honnête, intègre, droit dans ses bottes, le six-coups solidement accroché à la ceinture. Créateur de formes toujours étonnantes dans leur façon d'aborder leur sujet à bras-le-corps, défricheur de thématiques rares et passionnantes, David Perrault n'est plus seulement un réalisateur à surveiller, mais à apprécier"
- Mad Movies

"Rarement portée à l’écran et peu considérée par la fiction, l’histoire trop méconnue des Français en Amérique, du XVIe au XIXe siècle, reste encore à filmer. C’est précisément ce à quoi s’est attelé, non sans audace, le réalisateur français David Perrault, né en 1976, dont le deuxième long-métrage, après Nos héros sont morts ce soir, arpente les territoires du western et l’imaginaire des grands espaces. Un genre depuis longtemps essoré par sa propre légende, mais dont il s’agit moins ici de singer la geste, ou même de reproduire sagement l’iconographie, que de revisiter depuis une langue et un côté de l’histoire qui lui étaient jusqu’alors étrangers (...) Son sens de l’espace et sa mise en valeur de paysages magnifiques étaient sans doute le plus bel hommage à rendre à cette lointaine Amérique évaporée dans le rêve français. On peut surtout remercier David Perrault de ne pas nous avoir resservi un énième western crépusculaire, tarte à la crème d’un genre épuisé, mais, pour une fois, un western véritablement « étranger », c’est-à-dire venu d’ailleurs."
- Le Monde

"L’ambition formelle du réalisateur est frappante, comme ses multiples influences, contemporaines : L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, d’Andrew Dominik, et True Grit, des frères Coen. Les séquences où une troupe de tueurs, véritables cavaliers de l’Apocalypse aux masques de tissu évoquant le Ku Klux Klan, sort de la brume, s’imposent ainsi en étonnantes visions, à la limite du fantastique. L’ « état sauvage » est d’abord celui de la jeune et vierge Esther (Alice Isaaz, magnifique), aux prises avec toutes les violences, mais aussi avec son attirance irrésistible pour le mercenaire. David Perrault sait magnifier la sororité armée face à la sauvagerie des hommes et des éléments, et cette demoiselle en dentelles qui s’émancipe fièrement dans l’adversité."
- Télérama

"Alice Isaaz est d'une infinie justesse dans le rôle d'Esther, rebelle mal embouchée étouffant dans l'étroit corset où on tente de l'enfermer (...) Face à elle, plus encore que le Belge Kevin Janssens, imposant mais plus attendu dans son animalité, la déstabilisante Kate Moran compose une criminelle insaisissable, charismatique et effrayante, rongée par une passion perdue. Si l'on ressent le poifs des influences du néo-western américain contemplatif en vogue, L'Etat sauvage évoque aussi les douloureux jeux de pouvoir des Proies de Don Siegel, tout en payant son tribut au baroque italien (...) L'épilogue chargé de magie vaudou achève de confirmer l'ambition revigorante de cette oeuvre envoûtante".
- L'Ecran fantastique


"L’une des qualités de L’Etat sauvage est d’évoluer avec naturel à l’intérieur de son genre, le western, sans se laisser écraser par les références ou se conformer à un cahier des charges. Au fond, l’Amérique était aussi une histoire française, et ce patrimoine peut être abordé sans complexe ou déférence vis-à-vis d’Hollywood. (...) Un exemple de beau film populaire, toujours respectueux de son spectateur.
- Les Cahiers du cinéma
"On avait laissé le réalisateur David Perrault avec les catcheurs de Nos héros sont morts ce soir, en 2013. Le voilà de retour avec L’Etat sauvage. Encore plus que Jacques Audiard ne l'a fait pour Les Frères Sisters, le cinéaste a choisi de s'attaquer à ce genre typiquement américain, en lui apportant une touche française et féministe à travers ses deux héroïnes incarnées par Alice Isaaz et Déborah François. Ces femmes découvrent la liberté et, au milieu de paysages superbes, prennent le chemin de l'émancipation. La puissance d'un mystérieux mercenaire, joué par Kevin Janssens, fait aussi planer une tension sensuelle. Le film parvient à fasciner en entraînant le public sur des pistes semées d'embûches."
- 20 minutes

L’ÉTAT SAUVAGE

Un film de David Perrault
France - 2020 - 1h58
avec Alice Isaaz, Kevin Janssens, Déborah François, Bruno Todeschini, Constance Dollé, Kate Moran...

L'INVITE :
DAVID PERRAULT

David Perrault est né en 1976 à Angers. En 2004, il intègre l’atelier scénario de La fémis. Il réalise ensuite trois courts-métrages remarqués : Sophia ; Adieu créature (diffusé sur Arte) ; No hablo american (diffusé sur France 2). En 2013, Nos héros sont morts ce soir, son premier long-métrage, est sélectionné en compétition à la Semaine de critique du festival de Cannes. L’État Sauvage est son deuxième long-métrage. Il a reçu le soutien de la Fondation Gan pour le Cinéma

LES RENCONTRES